samedi 7 août 2010

Mes essentiels : Cocteau Twins - "Victorialand" (1986)


"Victorialand" fait partie de ces albums qui, comme on le dit, "mettent une baffe". Bon, je suis très fan des Cocteau Twins, je n'en ferais aucun mystère (oui, on a les mystères qu'on peut... n'étant ni espion, ni transsexuel, je ne vais pas m'inventer des vies extraordinaires). Cela dit c'est une histoire relativement tardive que j'ai eue avec ce groupe. Vu qu'il se sont formés à la fin des 70's/début 80's, j'aurais l'air d'un jambon si je disais que je suis un fidèle de la première heure en étant né en 1977. Je n'ai d'ailleurs pas été là même pour la deuxième heure. Non, les Cocteau Twins, je les ai découverts à la fac, au milieu des années 90 juste avant qu'ils ne se séparent. J'écoutais Lush, un groupe féminin de shoegaze qui chantait aigu, et un pote italien de la fac me disait sans cesse "roooh, mais Lush c'est du sous-Cocteau Twins ! Tu ferais mieux d'écouter ça...". Je dois avouer qu'il me cassait les bonbons avec ses Cocteau Twins (quel nom de groupe débile !) si bien que par esprit de contradiction je faisais bien exprès de ne jamais écouter une seule chanson dudit groupe. Je me rappelais pourtant que mon frère avait des 33 tours d'eux mais je n'avais jamais posé les oreilles dessus. Puis bon, hein, la curiosité sans doute... j'ai écouté et même acheté, presque en cachette, une sorte de compil' du groupe et j'ai purement et simplement détesté. Ce qui me rassurait en partie car j'allais pouvoir en mettre plein la tronche à mon pote italien sur ce groupe bizarre qui avait une chanteuse qui me vrillait  les tympans.
En effet, la voix de Liz Fraser me cassait les oreilles, je la trouvais même oppressante. Il y avait en plus dans sa façon de chanter quelque chose de "posiste", esthète, voire arrogant que je n'aimais pas. Cela me faisait penser à du sous-opéra, moi qui n'aimais pas les cantatrices dont le chant rappelle plus la performance sportive que l'art, à mon sens. Bref, une première approche du groupe plus que mauvaise. D'ailleurs, il n'est pas rare que quand j'en fais écouter à des profanes on me regarde avec des grands yeux pour me dire "Putain, elle me vrille les oreilles là... c'est laid, c'est bizarre". C'est une réaction normale, saine, pour qui vénère Muse (oui, je n'aime toujours pas), Metallica, Renan Luce, NTM, Les Ogres de Barback ou Dick Annegarn. Mais, hein, l'intérêt de la musique c'est aussi de se frotter à des choses qui nous résistent (cf pour Diabologum, j'ai déjà servi la même soupe). Donc, je ne me suis pas senti abattu par le truc bizarre qui dégueulait dans mes oreilles... ce qui était dommage parce que musicalement, en effet, ça faisait penser à Lush. Rien de plus normal puisque le producteur, le fabriquant du son que j'aimais, des deux premiers albums de Lush était en fait Robin Guthrie, le leader des Cocteau Twins. Du coup, ben on se dit que l'esprit de contradiction doit avoir ses limites et qu'il faut repartir sur les champs de bataille sonores. Peu à peu, comme on s'habitue à un voisin, on s'habitue à ce chant strident, surétudié, très travaillé et l'on apprécie les compos. Au fur et à mesure, on se rend à l'évidence que Liz Fraser a une voix extraordinairement pure, cristalline et puissante. Le tout sous-tendu par des sons, des ambiances, oniriques il n'en fallait pas plus pour que je succombe et que, une par une, les chansons du groupe me fassent effet (façon de parler). Très vite après cette révélation, j'ai acheté tous les albums, du premier au dernier, que j'ai tous appréciés avec une préférence pour la période 1985-1990 du groupe. C'est en effet à ce moment-là que Cocteau Twins donnait sa pleine mesure, notamment Liz Fraser au chant.
"Victorialand" est sorti en 1986, c'est l'album le plus épuré du groupe, quasiment entièrement acoustique. De fait, la grosse machine du studio a tourné un peu moins, les effets et autres filtres ont été plus subtils, voire mis de côté, pour centrer le propos sur les compos et la voix de Liz Fraser. C'est l'album le plus sobre des Ecossais en terme de production, Robin Guthrie s'est retenu. Alors quand on écoute "Victorialand", on se retrouve un peu en l'air, suspendu, léger. On est sinon bercé par la voix de cristal, soulevé par celle-ci. On retrouve indéniablement la patte du groupe (paroles incompréhensibles, titres de chanson bizarres, pochette étonnante, son froid et enveloppant...etc) mais il y a quelque chose de différent. Les ambiances sont suggérées plus que "plaquées" de façon autoritaire comme dans l'album précédent "Treasure" (superbe au demeurant). Tout prend une sorte d'envol... cela est sûrement dû aussi à la consultation de piliers du mouvement ambient tel que Brian Eno en terme de production justement. L'album est une ribambelle de moments sublimes, de paysages musicaux... franchement on a des images en tête quand on écoute ce genre de musique. On a le droit à neuf morceaux dont émanent à la fois une vraie beauté et un mystère dont on ne connaît pas vraiment la nature. L'album s'ouvre sur un "Lazy Calm" qui donne le ton, morceau joliment cotonneux, qui fait la part belle aux instruments puisque Liz fraser n'apparaît que par touchettes impressionnistes au milieu du morceau. Plus tard, comme troisième morceau, "Throughout the dark months of April and May" (ci-dessus) ajoute un peu de noirceur à la quiétude, le chant devient presque mystique, les accords de guitare cristallins tombent comme une petite grêle et l'on se retrouve - pris dans les arpèges - avec une chanson circulaire très onirique. Le morceau qui lui succède, "Whales trails" est en contraste total, Fraser se fait sautillante alors que la musique retrouve des couleurs plus rassurantes. "Oomingmak" (ci-dessous) est une ritournelle presque enfantine, aérée, joyeuse, dont on ne comprend rien aux paroles qui s'entremêlent mais qui suggèrent tout un tas d'images. Surprenant. "The thinner the air" (en début d'article) vient clôturer le tout, le voyage, et nous faire regretter que cet album soit si court. C'est bien là, à mon sens, le seul défaut de ce chef-d'œuvre.

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