Amboise (Indre-et-Loire, Centre), janvier 2009 © p.o.v.
Un après-midi dans le froid mois de janvier 2009 du côté de cette Amboise blanchie par la froideur d'un rude hiver, en ce temps où il avait fait parfois jusqu'à -14°C, on s'était promenés. En ce temps où j'étais encore prof d'espagnol, où rien ne semblait devoir être autrement, parce que l'on avait besoin de prendre l'air, parce que parfois le boulot était pesant, on se ressourçait comme on le pouvait. A toi, à moi, quand le moral de l'un ou l'autre flanchait sans qu'on se le dise, un coup de téléphone et de "ça te dirait de sortir ?", le dimanche souvent... si l'on avait eu le temps de préparer nos cours, de corriger les copies. On ne se laissait pas abattre, certainement pas par la routine, ni par le froid et encore moins par l'ennui. En ce temps-là, avec ce temps-là, la Touraine était belle, l'horizon timide du futur pas mal non plus, les conversations légères sur les routes encore mal connues alors de cette région. Tout restait à découvrir y compris un peu nous deux qui ne nous connaissions à peine si ce n'est dans le partage "bête et méchant" de nos activités professionnelles. Les paysages nous rendaient taiseux, parfois on les entrecoupaient d'anecdotes. Puis la gravité s'est emparée de moi, noyée qu'elle était dans un bain de circonstances contraires. Petit à petit. Cette gravité s'épuisait toujours pourtant au rythme de nos balades simples de fin de semaine, à cette routine expiatoire qui parlait pour nous, pour moi, pour éviter de nous laisser aller à retourner le couteau de nos angoisses, sur des mois et des mois, le dimanche. Rien à dire, tout en nous. L'été est arrivé, les nouvelles vies avec. A peine a-t-eu le temps de s'apprécier pour devenir potes, nous étions déjà amis sans trop savoir pourquoi à ce moment-là. On avait brûlé les étapes. On ne savait pas pourquoi, de tout façon on ne posait pas vraiment la question.
Puis après j'ai su pourquoi, tout ce qui a suivi n'a été que tout ce pourquoi. Tout n'a été que la démonstration de ce que c'est que parfois la difficulté à être amis, dans ce qu'il y a de plus fort, intense et dérangeant. Pas eu le temps d'être des potes, les étapes brûlées. Si bien que l'évocation de nos prénoms respectifs pour notre entourage soulève la malicieuse interrogation du "tiens, il/elle en parle souvent quand-même, ça veut peut-être dire que". Tout nos entourages respectifs nous connaissent sans nous avoir vus mais nos prénoms sont des refrains dans nos conversations. C'est comme ça. Parce qu'on est devenus amis avant d'être potes, avant d'avoir eu des quantités de choses marrantes à se souvenir, avant d'avoir eu des moments marquants à faire revivre autour d'une conversation sans queue ni tête trois ans plus tard. Il y a comme un grand vide de souvenirs entre nous, si ce n'est ces nombreuses balades dominicales de l'année scolaire 2008-2009, ces quelques verres les quelques soirs et aussi ces quelques échanges, entraides, sur comment bien faire notre travail... "t'aurais pas tel tableau de Kahlo dans tes docs ?", "t'aurais pas telle chanson qui parle de tel truc, c'est pour une compréhension orale ?"...etc. Finalement. On a pas eu le temps, pas vraiment... à peine commençait-on à toucher un peu la surface de qui l'on pouvait être l'un et l'autre, moi je devenais un autre... quelqu'un que je n'avais jamais connu et qui me faisait peur. Un autre qui vit encore un peu en moi même si je l'entends s'éloigner très lentement. De moi, on n'aura tous les deux finalement beaucoup trop connu cet autre qui nous empêche d'être potes mais nous rend plus amis.
Alors cette photo anodine d'un mois de janvier à Amboise, c'est le souvenir de ce que j'ai pu être moi-même bien que je ne sois pas sur la photo. Ce sont les derniers moments où j'étais peut-être sur la voie d'être un pote avant que de n'être un ami pour la fille sur la photo. Au mois de janvier cette année, en 2011, j'ai vu que cette photo que j'avais offert à cette amie en août 2009 était accrochée sur les murs de sa chambre, non loin de photos de gens qui comptent pour elle (famille, petit ami) et je me suis dit qu'en fait elle était là comme photo de moi, de ces moments-là, des balades, d'un moi qui allait bien, d'un moi "pote", d'un moi tel qu'on voudrait que je sois redevenu. On voudrait tous les deux que je sois tel que ce moment passé en hiver l'était.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire