Me voici de retour avant mon départ définitif lundi 30 août où je dirai "adiós" à la France pour une période encore indéterminée (entre 1 an et tout le reste de ma vie !).
[je précise que je n'ai pris aucune des photos présentes dans cet article]
A/ Le voyage aller
Accompagné de moi tout seul (parce que donc hein, voilà) je suis parti au petit matin mercredi, avec ma tente et mon tapis de sol, pour découvrir les lieux de mes futurs ébats professionnels et plus si affinités. Pas grand chose à dire du voyage si ce n'est qu'officiellement les Girondins, les bagnoles immatriculées dans le 33, sont les connauds des routes françaises (et européennes). On peut se moquer des Parisiens et de leur conduite, rien ne sera pire qu'un Bordelais au volant. Un peu comme pour Nice j'ai de très mauvais a priori sur la population bordelaise (je précise que j'ai fait une partie de mes études à Bordeaux... les seules personnes cools là-bas étant des gens qui n'étaient pas nées en Gironde, force est de le constater).
Ben sur la route, ça se vérifie : qui fait des queues de poissons ? Le gars du 33 ! Qui roule sur la bande d'arrêt d'urgence à fond parce que sa noblesse (d'essence divine) ne supporte pas les bouchons ? Le gars du 33 ! Qui roule à 120 quand c'est limité à 70 et klaxonne comme un mongol quand on roule déjà à 90 ? Le mec du 33 ! Qui démarre à fond au feu en Audi noire ou Alfa Romeo avec un autocollant "A" au cul, juste pour être devant toi parce que c'est plus viril : le minet de 18 ans du 33 ! Qui te tuerait pour prendre ta place à une caisse de péage en Espagne ? Un Andalou ? un Basque ? Non, un moustachu ventripotent du 33 ! A part les aréopages de débiles mentaux girondins sur la route, rien à signaler. Une petite chose marrante malgré tout, presque caricaturale, au moment de passer la frontière les radios françaises se sont toutes transformées en radios espagnoles ! Le fait que ça se passe pile à la frontière m'a fait marrer.
El Embalse de Yesa (Espagne, provinces de Navarre et Saragosse)
Bon, sur 730 kilomètres de trajet (c'est pas spécialement énorme quand on y songe), il y en a 500 sur voies rapides donc ça va, on ne se traine pas. En gros, jusqu'à 200 km de Huesca on roule pied au plancher. C'est une fois que l'autoroute se termine, que l'on prend les nationales navarraises (Pays-Basque espagnol, jouxtant l'Aragon) pour entrer dans l'Aragon. Les 150 derniers km sont magnifiques mais éprouvants ! Car bien qu'on ne soit pas dans les cols pyrénéens (du moins pour le trajet que j'avais choisi et qui les évitait... sinon c'était 3 heures de plus de route), on n'est un peu dans la montagne. Déjà sur l'autoroute on sent vraiment qu'on monte en altitude mais donc à la fin du périple, on se retrouve dans la moyenne montagne avec des paysages venus d'ailleurs... mais on n'en profite pas vraiment. Oui parce que moi je ne connaissais pas les routes alors je faisais plus attention à ce qu'il y avait devant moi qu'aux paysages. Pourtant il y avait de quoi s'extasier avec, notamment, l'Embalse de Yesa qui est un immense lac artificiel posé entre les hauteurs navarraises et aragonaises. Le spectacle est splendide mais donc j'étais plus attentif à la succession de virages qui me fatiguait les bras. Je ne sais combien de courbes je me suis enfilé en 150 km ! C'est un type de conduite particulière, rythmée (un coup à gauche, un coup à droite), que je ne maîtrise pas... le Poitou, la Brenne et la Touraine n'étant pas à proprement parler des régions montagneuses ! Les gens du coin eux prenaient les virages à 90km/h quand moi je les prenais à 60km/h... c'est un coup à prendre. En tout cas je ralentissais tout le monde et je n'ai jamais eu de signes d'impatience, d'agacement, dans mon rétro de la part des Espagnols qui attendaient sagement avant de me doubler. Un Girondin aurait passé son temps à me klaxonner, à monter le son de son autoradio hurlant du Guetta, et m'aurait doublé par la droite en plein milieu d'un virage sur bande blanche.
Los Mallos de Riglos (Espagne, communauté d'Aragón, province de Huesca)
Après l'Embalse de Yesa, on se tape toujours des virages pour arriver au Mallos de Riglos, autre occasion de s'extasier que je n'ai pas vraiment eu le temps de goûter à cause des chicanes. Mais bon sang, j'ai déjà repéré des coins photo superbes, je vais me gaver (et vous aussi par la même occasion !). Au sortir des Mallos, on arrive gentiment sur Huesca, la première "grosse" ville après la montagne... oui, parce que l'on passe quand-même par quelques minuscules villages typiquement espagnols avant d'arriver.
B/ L'arrivée à Huesca, description de la ville.
Enfin arrivé à Huesca en milieu d'après-midi, sous une bonne vieille chaleur, je cherche à repérer le camping où je dois me poser. Mon sens de l'orientation légendaire a fait que j'ai mis une bonne demi-heure à le trouver alors que je tournais autour, à 200 mètres... Pas de problème ensuite, ma parcelle, ma tente, j'installe tout en 10 minutes, prends le temps de me reposer un peu et décide de partir à l'aventure avec pour compagnon mon "callejero" (plan des rues) de la ville... bizarre car j'ai l'impression d'être en vacances mais je me dis aussi que je vais vivre au moins un an dans la ville, il y a comme un combat psycho en moi à ce moment-là, un peu déroutant. C'est tout con mais, hé, tout le monde parle espagnol autour de moi, dans les rues (assez vides d'ailleurs... Huesca étant une ville de fonctionnaires, on peut supposer qu'ils vont revenir à la rentrée). Ce n'est pas la première fois, évidemment, que je vais en Espagne mais à chaque fois il faut ce temps d'adaptation. La première impression que j'ai de la ville est assez mitigée : relativement petite, pas grand chose en terme de commerces même si l'essentiel est là, relativement "moche" et sale. C'est typiquement espagnol comme ville (ça serait typiquement hongrois, c'eût été encore plus étrange !). Les immeubles ont été posés là où il y avait de la place, au moment où les villes se sont développées car l'Espagne a mis du temps à se moderniser mais elle s'est modernisée d'un coup... de fait, on a paré au plus pressé à l'époque et cela donne des villes bizarrement faites au niveau structure urbaine.
Les beaux édifices côtoient des immeubles immondes. Les rues ne sont pas spécialement attractives car, comme je le disais, les commerces - par exemple - sont discrets au moins en devanture. Il me faudra un peu de temps pour dénicher la richesse des lieux. Evidemment Huesca a sa "Plaza de Toros" (les arènes), toute jaune et rouge, construite apparemment en 1929, histoire de bien pourver qu'on est dans une ville espagnole et pas au Danemark !
Cela dit, le centre historique de Huesca est vraiment magnifique, petit mais fabuleux... et cela contraste sévèrement avec le reste ! Ce "casco histórico" va, je pense, être l'objet de quelques belles balades dans le futur : ruelles accidentées, monuments religieux, places et placettes avec ce qu'il faut d'arbres pour s'asseoir à l'ombre ou de fontaines pour se laisser bercer par le bruit rassurant de l'eau qui coule. Il y a en plein centre un grand parc, très agréable et relaxant, je pense y venir souvent si j'ai un besoin de me calmer, de feuilleter un bon roman. Je pense qu'il fait bon vivre dans cette ville, il faut voir à l'usage avec le retour de tous ses habitants. Donc en conclusion : Huesca est une ville, relativement ramassée, à la fois moche et belle et la vision que je pourrai en avoir va beaucoup dépendre de mes humeurs ! Mais son atout principal est d'être entouré de paysages grandioses et de servir de point de départ à pas mal de chouettes excursions.
Les places López de Allué (en haut) et de Navarra (ci-dessus) à Huesca (Espagne, Aragón)
C/ Les démarches
Heureusement que les distances sont courtes dans cette ville. Je n'ai cessé de faire des aller-retours sous le soleil pendant des heures... la première chose à savoir est qu'en période estivale toutes les administrations espagnoles sont fermées au public à partir de 14h. Ce n'est pas critiquable dans le sens où quand le soleil se met à cogner, il cogne sévère et je trouverais irresponsable de laisser des gens étouffer dans des bureaux. La période de "invierno" (qui commence le 1er octobre) fait fermer les bureaux plus tard... avant de partir je savais ça, ce qui fait qu'il fallait que je me lève tôt chaque matin pour pouvoir crapahuter dans le mini-dédale des rues "oscaenses" (gentilé de Huesca).
* El servicio provincial de Educación (+/- le rectorat).
C'est là que je devais remplir tout un tas de papiers pour me faire connaître du ministère de l'Education espagnol. Il fallait donc arriver bardé de mes photocops de diplômes, d'obtention de concours, de carte d'identité... le bureau de gestion du personnel est féminin à 90%, seul un homme se retrouvait parmi ce corral de femmes à voix rauques, bien espagnoles. Quand je suis rentré, avec ma tête d'ahuri français, personne n'a bougé. Marrant. Je suis resté 25 secondes à regarder le plafond et on me regardait regarder le plafond. Jusqu'à ce que l'homme, prénommé Israel, vienne me demander ce que je voulais. Je lui ai expliqué qui j'étais et ce que je faisais là et il m'a sorti d'emblée 2 dossiers à remplir. Le plus drôle est que je ne pouvais quasiment rien remplir. On me demandait des renseignements que je ne pouvais pas donner (domicile en Espagne, numéro d'identité espagnol, numéro de sécu espagnol). Donc la première fois que je suis venu j'ai juste donné des photocops. Il fallait donc que je passe à la phase 2, obtenir ce putain de N.I.E. pour pouvoir avoir un numéro de sécu, un compte en banque... etc.
* Le N.I.E.
"Número de Identificación de Extranjeros" (je ne traduis pas), tel est son nom. Il sert à à peu près tout (pour obtenir un numéro de sécu, soucrire à un forfait internet...). Pour l'obtenir, on doit se rendre au commissariat principal de la ville où l'on compte vivre. C'est ce que j'ai fait. Je suis arrivé à 9h du mat' dans ce commissariat. Il faut savoir qu'en Espagne les préfectures n'existent pas en tant que telles et que donc toutes les paperasses du style carte d'identité, passeport, immatriculation...etc se font dans les commissariats centraux, les directions générales de la police de la Province. A 9h, donc j'entre dans les bureaux, me mets dans la file "extranjeros" (oui, faut que je réalise que je suis étranger pour un espagnol !) et voit une dame qui me fait signe d'approcher avec le sourire et qui me dit :
- "Tu as rendez-vous à 9h ?". (oui, encore une fois, tout le monde tutoie tout le monde là-bas)
- "Non" je lui réponds et je commence à lui parler de ma situation, que j'arrive juste, que j'ai besoin de ci et ça.
- "Mais il faut prendre rendez-vous pour ça !", me renvoie-t-elle un peu crispée. Elle commence à me sortir un formulaire et continue par "tu remplis ça, tu appelles ce numéro pour un rendez-vous et on te fera ça dans la minute. Je suis toute seule à travailler...etc."
- "Mais je ne peux pas attendre et prendre rendez-vous", je lui dis moi aussi un peu agacé, "je dois revenir en France pour fermer tous mes dossiers là-bas et j'ai absolument besoin du N.I.E. pour faire tout un tas de démarches !"
- "Bon, reviens à 14h tout à l'heure !" (je rappelle qu'ici aussi ça ferme à 14h)
- "OK, merci" et je m'en vais.
Je reviens à 14h au la direction générale de la police où la femme m'attendait, d'entrée elle me fait :
- "Bon, remplis le formulaire", ensuite elle me tend un autre papier et ajoute "ça, tu vas l'emmener à une banque pour payer la taxe de 10 euros et tu me le ramènes, je te donnerai ton papier !" (carte de résident européen avec le N.I.E., précieux sésame).
- "Génial, merci !"
- "C'est quoi ton domicile ?" me demande-t-elle.
- "Bah, je suis arrivé la veille, et je cherche justement un domicile, je ne peux pas vous en donner ou alors un en France"
- "Il me faut un domicile pour tes papiers !"
- "Mais je n'en ai pas, je suis venu là pour faire toutes les démarches pour notamment en trouver un !! Je peux vous donner l'adresse du camping si vous voulez !"
- "Pff... bon... ok, on va faire comme ça", dit-elle sur un air désabusé. "Va à la banque, dépêche-toi, je te préviens, je pars à 14h15 !"
Moi je cours à la banque payer la taxe, évidemment devant moi il y avait une femme qui s'est ramenée avec de la petite monnaie pour que le banquier la compte, ça a bien pris 10 minutes et j'imaginais la gonzesse de la police s'énerver à ne pas me voir revenir... au final j'ai payé la taxe, je suis revenu en courant au commissariat général, j'ai eu mon papier avec le N.I.E. Ma première adresse officielle étant celle du camping, adresse que j'allais écrire sur tous mes premiers papiers officiels !
* La banque.
Les banques ferment aussi à 14h donc il faut aussi faire les démarches le matin. Mais quelle banque choisir pour ouvrir un compte ? En fait j'ai ouvert un compte dans la banque la plus représentée dans la ville, la banque "Iber Caja". Bon, si ça trouve c'est une banque de cons, de truands ou de psychorigides, mais je n'ai pas le choix, il me fallait un numéro de compte. Là pareil, vas-y que je te tutoie, le guichet de banque était rigolard, m'a demandé ce que j'étais venu faire ici, a été très cool... ça l'a fait marrer de voir que l'adresse de mon domicile officiel était un camping ! Il m'a ouvert un compte dans la minute.
* La sécurité sociale.
Personne ne sera étonné si je dis que les bureaux fermaient à 14h. Au servicio provincial de educación on m'avait fait préremplir un formulaire de sécu qu'ils ont faxé fissa à la sécu (je ne pouvais pas préremplir le formulaire sans avoir le N.I.E., je précise). J'ai demandé à ce brave Israel s'il pouvait me dire combien de temps cela prenait pour obtenir un numéro de sécu... il ne savait pas alors il les a appelés...
- "Tu auras ton numéro dans une heure, reviens ici quand tu l'auras on finira de remplir les papiers ; la trésorerie générale de la sécu est au bout de la rue, ils te donneront ton numéro là-bas", m'a-t-il dit.
- "Ok, c'est cool, dès que j'ai le numéro je reviens".
En effet au bout d'une heure j'avais mon numéro avec l'adresse du camping comme adresse officielle... oui, ils doivent m'envoyer ma carte de sécu à mon adresse... ce qui fait que j'ai dû demander au camping de ne pas jeter les éventuels documents qui arriveraient à mon nom ! Les guichets de la sécu sont comme en France, pas très drôles et ils n'écoutent pas vraiment ce que l'on leur dit mais c'est pas grave, j'ai eu ce que je voulais. J'ai pu retourner une dernière fois (complètement moulu) au servicio provincial de educación pour remplir définitivement tous les papiers, toutes les cases : numéro de sécu, compte en banque, N.I.E. ! J'ai eu le malheur de demander, par curiosité, où se trouvait mon établissement d'affectation car la rue n'apparaissait pas sur les cartes (c'est une nouvelle rue, nouveau quartier, établissement neuf depuis 2 ans) et une mougeasse m'a dit (alors qu'elle ne m'a pas aidé durant mes aller-retours) : "euh, mais c'est qu'on travaille nous, la curiosité, la curiosité...". Ce à quoi j'ai répondu "Vous pensez sûrement que je suis ici en touriste et que je m'amuse à faire des aller-retours ?". Première mini-engueulade avec l'administration, mon futur collègue m'avait prévenu qu'elles étaient un peu "décontractées"... je les ai tendues !
* Recherche d'appartement.
Cela ne va pas être très compliqué de trouver un logement sur place. Bon, je me suis renseigné auprès des mecs qui tiennent des kiosques à journaux, notamment un qui m'a dit "repasse de temps en temps, je vais me tenir au courant". Il m'a filé des numéros à appeler mais à chaque fois les apparts étaient tout juste loués. Il faut savoir que sur Huesca, un meublé avec une chambre c'est autour de 380 euros charges comprises. Je suis allé dans une agence (qui ferme aussi à 14h) en fin de compte pour me renseigner. La directrice de l'agence m'a parlé comme si j'étais un ami de son fils, à me poser la main sur l'épaule quand je lui faisais part de ma situation... elle m'a dit "Ah ! Tu vas être maître bilingue là-bas, c'est super !". Apparemment elle connaît déjà le programme. "Attends, on a un appart pas loin..." (elle cherche) :
- "Voilà, c'est 380 euros charges comprises, meublé, à 150 mètres de ton établissement".
- "Hmmm, c'est encore un petit peu cher" (j'essaye de viser les 330-350 euros), lui dis-je.
- "Ah... bon, on peut peut-être essayer de faire baisser le prix au proprio, on va voir"
- "??" (surpris de ce côté éminemment commerçant de la dame, si bien que ça en deviendrait presque louche)... et je lui dis "je suis crevé, j'ai pas les idées claires, je ne voudrais pas faire n'importe quoi"
- "Et bien, si tu reviens le 30, tu repasses nous voir, en plus il y aura des apparts qui vont se libérer. Tu repasses, on les visite, si ça t'intéresse tu nous dis et puis on s'arrange pour les frais", me répond-elle.
- "??"
D/ Le voyage retour
Ben, c'est tout comme le voyage aller (Girondins débiles idem)... mais dans l'autre sens ! :-))
BILAN :
J'ai fait 80% de ce que je voulais/devais faire en très peu de temps. Ce que je peux dire c'est que les démarches sont à la fois plus simples et plus rapides qu'en France si l'on sait attendrir un peu son interlocuteur. C'est marrant parce que d'un ordinaire plutôt timide, j'ai réussi à marchander deux ou trois choses (notamment le N.I.E., j'ai bien emmerdé la femme du commissariat !), la barrière de la nationalité agit comme un déguisement, je suis beaucoup plus à l'aise qu'en France pour tout ce type de démarches. Cela est dû, notamment, à la nature même des contacts humains là-bas, beaucoup moins froids que chez nous. Cela a un bon côté mais aussi des revers. (genre je te parle mal comme à mon gamin alors que je ne te connais pas). Malgré tout je trouve que ça simplifie la vie quand les gens sont un peu plus directes... et je suis littéralement crevé, j'ai des ampoules énormes aux pieds et de l'acide lactique dans tous les muscles !