mercredi 5 mai 2010

"Les funambules" d'Antoine Bello

Antoine Bello est un auteur américano-français (écrivant en français) d'une quarantaine d'années et de directe descendance de Marcel Aymé (La jument verte, La passe-muraille), bon sang ne saurait mentir comme on dit. Je n'avais absolument aucune connaissance de cet auteur. C'est la 4ème de couverture, note de l'éditeur, qui m'a attiré pour lire ce recueil de 5 nouvelles :

"Chacune de ces nouvelles raconte une histoire extraordinaire : celle de Maximilien Zu, dont le dernier roman ne comptait que 89 mots et dont la trilogie fut réunie en un coffret de 4 pages ; celle de l’équilibriste Soltino, qui tendait son fil de plus en plus haut ; celle de l’astronaute Jim Mute, qui embarqua seul à bord d’une capsule vouée à tourner éternellement autour de Jupiter ; celle du sculpteur de mannequins Kreuzer, dont chaque œuvre rendait caduque la précédente ; celle de l’exégète Fiodor Sadarov, qui consacra sa vie à une lecture politique des écrits du joueur de quilles Igor Krybolski.

Cinq destins hors du commun, cinq funambules lancés à la poursuite d’une perfection inaccessible.
"




Moi, à la base, en tant que lecteur je suis fan du "format" des nouvelles. Pour plusieurs raisons

- les nouvelles sont, par définition, des histoires courtes et donc, au risque de tomber sur une un peu fade, on sait que le supplice ne durera pas longtemps. Je pense que nul n'est besoin d'écrire 2000 pages pour faire quelque chose de consistant, un "univers" cohérent, comme on dit facilement.
- dans un recueil, forcément, on trouve plusieurs nouvelles... j'enfonce une porte pour préciser que ce qui me plaît c'est donc de pouvoir assez vite changer d'intrigue, d'ambiance.
- les nouvelles sont souvent l'occasion pour un auteur de se lâcher, soit au niveau de la forme, soit au niveau du fond, soit pour les deux à la fois... un peu comme les courts-métrages au cinéma, parfois les nouvelles marchent comme une loupe qui magnifie l'art personnel de l'écrivain qui les invente.
- enfin, je suis un inconditionnel de Julio Cortázar, écrivain né argentin et mort français qui est, selon moi, le génie total de la nouvelle, réunissant tous les ingrédients qui me plaisent.

Quoi penser des nouvelles d'Antoine Bello, de ses Funambules ? Mon avis personnel, qui ne compte que pour moi mais que je partage donc, est que la moitié du recueil est réussi, l'autre moins. En effet j'ai trouvé les deux premières nouvelles ("Manikin 100" et "Soltino") relativement ennuyeuses, répétitives d'autant plus que l'on comprend très vite où l'auteur veut en venir, le climat qu'il essaye d'installer. Pour les deux premières nouvelles les personnages centraux (le sculpteur Kreuzer et le fildeferiste Soltino) sont en quête d'une absolue perfection, d'un dépassement de soi, qui fascine ou agace les gens qui les entourent (l'apprenti de Kreuzer et l'impresario de Soltino)... toute l'intrigue reposant sur ces relations en non-dits et incompréhension ont du mal, selon moi, à tenir la route sur 70 pages. On tombe , peut-être, je ne sais pas, dans un défaut de certaines nouvelles qui serait l'aveu d'une impossibilité, d'une frustration, de faire un roman complet sur deux histoires plutôt qu'une base de projet typique de nouvelle.

Les 3 nouvelles suivantes sont, encore une fois selon moi uniquement, bien plus réussies. Déjà les sujets et les personnages sont un peu plus "délirants". "Go Ganymède !" compte l'histoire d'un astronaute parfait qui va se sacrifier au nom de la science en tournant éternellement en orbite autour de Jupiter à cause d'une mission plus que fumeuse mise en place par les agences spatiales du XXIè siècle. La forme est originale puisqu'elle se défait de la narration classique pour nous offrir des (faux) comptes rendus de psychologue, de président de fan club, d'universitaires, de journalistes sur l'expérience et la façon de la vivre de l'astronaute. La 4è nouvelle "Le dossier Krybolski", un peu sur le même principe narratif, nous fait la biographie d'un champion de bowling russe, naturalisé français, soupçonné (à tort) d'être un dangereux dissident politique. De fait, des agents spécialisés vont absolument vouloir lire en ses écrits des brûlots contre le régime en place... lesdits agents tentant de trouver des indices de sa dissidence dans les bouquins de technique de jeu de quilles qu'il a écrit. Nous lisons donc des rapports d'agents secrets, des coupures de journaux, des extraits de livres sur le bowling... vraiment, c'est à se délecter. Enfin la dernière nouvelle "L'année Zu", raconte la vie d'un auteur à succès qui écrit des romans de plus en plus courts car, comme les autres personnages, il est à la recherche sans cesse frustrée de la perfection. Son premier roman fera 6 pages, son dernier quelques mots. Il est savoureux d'assister aux querelles des critiques au sujet de son œuvre, et Bello conte le tout avec un second degré, une forme réjouissante.

Je ne connaissais pas Antoine Bello mais mon premier contact avec son écriture est globalement positif, si bien que je vais sûrement me laisser tenter par un autre de ses ouvrages.

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