jeudi 6 mai 2010

Mes essentiels : Battle of Mice - "A day of nights" (2006)

Battle of Mice est (enfin "était") ce que l'on appelle un "super-groupe" puisqu'il mélange des membres de groupes éminents, influents... bla...bla. La chanteuse arrive de chez Made Out of Babies, le bassiste de Pere Ubu, un multiartiste de chez Neurosis et un ex-membre des Red Sparowes... etc. Ce qui n'a semble-t-il pas été simple à gérer puisqu'apparemment des incidents répétés ont émaillé la naissance de cet incroyable "A day of nights" sorti en 2006. En effet, plusieurs membres du groupe ne pouvaient pas se supporter jusqu'à se frapper dessus même en pleine session studio. On dit que les paroles de l'album (plutôt plus qu'étranges et glauques) étaient directement inspirées des rixes entre tous, sorte d'exutoire en rimes de cette guérilla !



Battle of Mice est donc un super groupe qui a sorti un super album. Pour être précis le type de musique qui inonde nos oreilles est, la plupart du temps, classé "post-metal" qui serait une forme "bourrin" du post-rock (ce rock qui n'en est pas, là où les guitares, les rythmes et les accords ne rappellent pas vraiment les canons habituels du rock). En somme c'est du rock musclé qui laisse large place aux ambiances, sans vraiment de couplet, ni vraiment de refrain. Une sorte de heavy metal "arty" si l'on veut.

Ce qui frappe à l'écoute de cet album c'est l'incroyable ambiance malsaine qui s'en dégage... ouh la... par "malsaine", je n'entends pas pentagrammes, soleils noirs, corbeaux, maquillages blafards et paroles en latin vulgaire faisant gloire à je ne sais quel Satan. Les pignolades adolescentes ne sont pas ma tasse de thé. Non, non... l'ambiance est malsaine dans le sens d'épaisse, de tendue, de stressante. Voilà, "A day of nights" c'est du stress en ondes ! Chaque morceau est une sorte de boule à la gorge qu'on a du mal à avaler, un tremblement perdu d'un souvenir pénible qui nous revient à la tronche sans prévenir. C'est une observation de quelques peurs enfouies. Le morceau d'ouverture "The lamb and the labrador" nous met déjà au parfum, rien que par son titre (le labrador et l'agneau) et le riff dissonant, cette guitare aiguë et aiguisée dans l'oreille droite, la voix mi-démon, mi-démon (ouep, cherchez pas l'ange là-dedans) de Julie Christmas, sorte de Bjork qui se serait mis les doigts dans la prise. Puis à peine se sera-t-on habitué à tout ça que le rythme se casse, le tempo ralentit, la batterie se fait parpaing sonore et le chant se mue en plaintes semi-criées... on a envie de demander à la chanteuse ce qu'il se passe, si tout va bien... "Bones in the water" avec un son inaugural d'orgue d'église commence gentillet et J. Christmas se fait follement calme, de l'acabit de ces psychopathes qui vous caressent avec passion juste avant de vous trancher la carotide avec un tesson de bouteille de whisky. Suivra un déluge de guitares qui sonnent comme des alertes rouges et vous cognent d'effroi ! Ce n'est que pour mieux lancer le "Sleep and dream" terrible, une angoisse de 6 minutes qui compte l'histoire d'un chien torturé dans une cave, après ça hors de question de dormir et encore moins de rêver, on se demandera même si ça sera à nouveau possible, surtout après le cri qui intervient après 1'50. La chanteuse nous assènera dans la fin magistrale du morceau des "Fall asleep and dream now / Windows are made in your sighs / The piece you had hid to hide / The cave walls high in your mind". Tout un programme ! Les morceaux suivants ("Salt bridge", "Wrapped in plain") ne dérogeront pas à la régle pour laisser venir l'incroyable "At the base of the giant's throat" (à écouter ci-dessous).


Ce morceau est tout simplement monumental, d'une tension terrible, d'un glauque assuré et carré. La meilleure bande-son pour le pire cauchemar. Tout bourdonne, tout devient plus lourd, tout tombe et retombe. Si les 2 premières minutes sont un déluge elles ouvrent le passage à une ambiance plus posée mais pas moins inquiétante, qui va peu à peu prendre de l'ampleur jusqu'à nous glacer d'ombre. Une ombre qui marcherait lentement vers nous dans un chemin boueux. Le morceau se fait longue plainte et nous le "subissons" jusqu'à son final inoubliable pour qui l'aura écouté jusqu'au bout... ces cris de femme qui appelle la police à l'aide et se fait brutaliser m'ont vraiment marqué.

Car c'est là le génie de cet album : il est sensoriel, ne laisse vraiment pas l'auditeur indifférent.  Un peu comme le spectateur devant certaines peintures de Goya. On ressent véritablement un malaise, un truc "étrange" qui s'adresse à notre peau, à notre tête, à notre mémoire et à nos peurs. Il est terriblement remuant et éprouvant, c'est une alchimie entre art musical et imagerie personnelle, mais de celle qui trouble, qui nous ramène en des lieux qu'on n'avait pas envie de re-explorer. Le morceau "At the base of the giant's throat" fait l'effet d'une scène d'horreur que l'on ne voulait pas voir mais que le sens des choses nous a quand-même obligé à subir. Cet album nous fait revisiter nos parts d'ombre, celles de l'enfance et celles de l'âge adulte. C'est une pure réussite, un régal dans ce sens où "il se passe quelque chose", ce que la musique devrait toujours avoir comme objectif : nous faire apprivoiser des choses qu'on ne palpe pas tout de suite, des trucs enfouis. Et Julie Christmas est une énorme chanteuse...

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