jeudi 13 mai 2010

Mes essentiels : Polvo - "In prism" (2009)

C'est parce que j'ai lu une critique grotesque sur cet album que j'ai décidé de mettre mon grain de sel dans cette mer d'indifférence que peut provoquer les avis contradictoires sur la dernière production de Polvo.

Polvo est déjà un vieux groupe américain de ce que l'on appelle le "math rock" (certains disent qu'ils ne sont pas vraiment math rock, là encore un débat fumeux), qui est une frange un brin expérimentale de cette musique populaire amplifiée. Par "math rock" on entend compositions complexes, qui tournent et qui virent, qui se basent - pour les plus puristes - sur des formules mathématiques en terme de composition (suite de motifs, combinaisons, parallélismes, oppositions, renversements...etc). Le groupe est également très influencé par les gammes asiatiques, ce qui donne d'étranges progressions d'accords... aussi étranges que leurs textes. De fait, le "math rock" est rajouter du code au code, déstructurer les sons et schémas habituels du rock. C'est un rock séminal et cérébral, cérébral en amont, séminal en aval. 

Le groupe s'est reformé après 11-12 ans de bouderie, de lassitude, d'envie de faire autre chose. La musique du groupe n'est pas sans rappeler les bruitistes géniaux de Sonic Youth, à la fois dans la folie des compositions mais même jusque dans le chant parfois. Polvo sculpte des mélodies au scalpel, qui, encore une fois pour moi, nécessite un réel effort d'adaptation. Quelque imprudent fan de Muse ou Dire Straits risque de casser les dents de ses oreilles à la première écoute. "In prism" arrive donc comme le bébé inattendu, le petit dernier de la famille, le chouchou à qui on excuserait tout ?

Ben oui, pour être honnête, cet album à toutes les allures de beau gosse. J'ai toujours peur quand un groupe se reforme (pour des raisons parfois obscures, parce que Polvo n'a pas l'influence des Pixies par exemple) qu'il nous envoie une galette insipide, voire bourrative, dans les conduits. Là, la peur passe vite, cet album est une jouvence triturée par de vieux routiers dont le fil des compos s'emmêle avec bonheur dans un canevas relativement pop-rock. C'est ce qu'il y a de plus étonnant même dans cet album car, sans perdre son âme math rock, l'album reste spontané, frais et divertissant. Le séminal l'emporterait un peu face au cérébral en quelque sorte.
Les 9 morceaux d'"In prism" sont à la croisée des chemins de l'expérimentation sonore (et "architecturale") et du sucre rassurant d'une poprock léchée. On peut trouver du refrain et du couplet derrière quelques riffs dissonants, on peut trouver un peu de braise et d'âme sous les enchevêtrements de sonorités, de gammes atypiques. On peut louer Polvo de ne jamais avoir cédé au sacrosaint accordage Mi-La-Ré-Sol-Si-Mi tout en cadrant un peu ses envies de fuite vers du n'importe quoi. Des morceaux comme "Dream residue/Work" ou "D.C. Trails" me font indéniablement penser aux meilleures plages de "A thousand leaves" des Sonic Youth quand le morceau d'ouverture "Right the relation" sent bon ce vieux son de rock de routier infléchi par des motifs et rythmiques saccadés. On retrouve le meilleur des riffs "zigzag" polvoesques sur des morceaux de facture maitrisée, aux refrains "mélodieux" et mémorisables, sur le réussi "The Pedlar". On retrouve aussi ces morceaux nerveux typiques du groupe comme le très bon, enflammé (grand solo de gratte !), "Beggar's bowl" Enfin un bon album serait juste bon mais pas génial sans un plat de résistance du gabarit de l'extraordinaire "Lucia" (ci-dessous en écoute), une épopée en notes, fait des divers moments d'une belle histoire. Cela commence comme une ballade cristalline pour subitement se transformer en véritable course-poursuite entre le chanteur, ses paroles et la musique. Un truc à tomber par terre.
Qu'on se le dise, poussière de meuble tu finiras poussière d'étoiles ("polvo" signifiant "poussière" en espagnol). Cet album est un pur joyau qui réconcilie les appétits expérimentaux avec les soifs de beaux airs faciles à siffler sur un fond technique virtuose ; définitivement un album qui doit valoir la peine d'être entendu en live, sûrement pour des clopinettes, dans des clubs branchouilles... mais bon sang, c'est bon de voir revenir ce type de vieux, seul argument valable à les mettre à la retraite qu'une fois morts !

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