lundi 7 juin 2010

"Les enfants de l'envie" de Gabrielle Piquet

Basile est un homme d'une trentaine d'années, artiste peintre obsédé par les USA. On peut le comprendre, il est le fils d'Henry, un père américain qu'il n'a jamais connu. Ainsi ses toiles, qui dépeignent les rues de New York, sont l'exutoire de cette absence ; ce qui explique certainement les difficiles relations avec sa mère et sa difficulté parfois à entrer de plain-pied dans sa vie. Il n'a pas de femme, ses toiles ne se vendent pas car il ne les expose pas, il vit dans une ville attachante (Laon) mais trop petite et s'est toujours contenté du minimum en terme de petits boulots. Son meilleur ami est Rémi, un phobique social qui ne supporte pas la présence des autres.
Basile vit de cette obsession, à cause de cette obsession, grâce à cette obsession, pour cette obsession. Les Américains, après la guerre, avaient installé une base militaire à Laon et y vécurent de nombreuses années jusqu'à ce que De Gaulle leur demande de gentiment partir. L'empreinte américaine laissée sur la ville est immense, de nombreux enfants naîtront des amours souvent sans lendemain entre les jolies petites françaises et les courageux, robustes, adonis de l'armée américaine. Ainsi Basile fait partie du contingent énorme d'enfants nés de père américain. Il s'est représenté mille fois ce père qu'il n'a pas connu au point sans doute de l'idéaliser car sa mère n'en parle jamais trop, elle qui vit une obsession aussi : le piano. Basile et sa  mère ne comprennent pas l'obsession de l'autre, ce qui entraine des tensions palpables bien que discrètes.
Un jour le maire de Laon organise pour Thanksgiving un "retour" des Américains qui ont longtemps séjourné dans la ville. Basile, qui répond favorablement à la requête du maire qui veut qu'on expose ses toiles, croit en la possibilité de connaître enfin son père...
Cette BD est assez bouleversante car les scénario est vraiment béton, on se laisse prendre par la psychologie de chaque personnage, par cette "torpeur" de vie de Basile, par cette relation au père absent et idéal. La pureté minimaliste du trait de G. Piquet aide à ressentir les choses, chaque petit événement, comme une réelle expérience. L'auteure manie le secret de famille comme personne, rend simple ce qui paraît si complexe et parfois complexe ce qui semble si simple. Là où le non-dit parle beaucoup, là où les paroles ne veulent pas dire grand chose. C'est une biographie imaginaire qui, pourtant, j'en suis sûr renvoie à plusieurs véritables biographies. L'auteur, à travers ses personnages, arrivent à dresser un bilan nuancé de la présence américaine sur le sol français d'après la guerre. Les Américains sont aussi généreux que présomptueux, aussi indispensables qu'encombrants, aussi rassurants qu'ils agacent : en tout cas leur présence restera éternelle dans les rues de la ville. D'un point de vue personnel, j'ai vu quelque chose d'assez troublant dans cette œuvre : je me suis reconnu dans tous les personnages, assez bizarre comme sensation.

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