jeudi 22 avril 2010

Black Francis - "Nonstoperotik"







J'attends toujours un nouvel album de Black Francis (Frank Black), l'éternel leader adipeux des légendaires Pixies, avec une forme d'impatience mêlée à de la crainte. Avec le bonhomme on ne sait véritablement jamais à quoi s'attendre, tellement il peut être déroutant. Sa discographie c'est un voyage hésitant entre des genres jamais complètement assumés - croit-on - mais avec une sauce aux épices que j'ai toujours trouvée savoureuse au bout du compte. Dès ses premiers efforts solos il a tenté de se défaire (pour le drame de certains qui ne s'en remettront jamais) de la puissance séminale des Pixies. Il a souvent été égratigné par la critique justement à cause de ce je ne sais quoi d'inégalité dans la production que, pour ma part, je qualifierais de perturbant éclectisme. Au fil des années, Frank Black a changé de genres, passant d'un rock sophistiqué à des ambiances rock brut "garage", de la folk-country alternative au rock us pur et dur. Si bien que c'est vraiment difficile de résumer une carrière, il s'est sans cesse laissé porter par les influences qui le marquaient à telle ou telle époque, sans trop chercher à "psychanalyser" sa musique. Il a même changé de nom, de Frank Black il est (re)passé à son pseudo des Pixies, Black Francis... le tout de manière toute naturelle, comme dans une schizophrénie apaisée.


A chaque écoute de chaque nouvel album je me fais toujours cette remarque, façon Lino Ventura des "Tontons flingueurs" qui vient d'avaler la première gorgée de cet alcool vitriol qu'il croyait anodin : "p'tain, faut reconnaître que celui-ci il est quand-même un peu spécial"... car on reste sur l'impression et les efforts consentis - mais toujours récompensés - à s'adapter à une facette du monsieur et par paresse on se refuse à apprécier les nouveaux morceaux tout de suite. Si j'ai eu, par exemple, beaucoup de mal fut un temps à "accepter" sa période country alternative, j'ai appris à l'aimer et à retrouver le code interne de ce qui fait la magie noire de Black Francis. Cette magie ce sont ces mélodies torturées, sorte de chats cradingues qui retombent toujours sur leurs pattes même si parfois on semble les avoir jetés du dernier étage d'un building. Alors, oui, ce que j'aime chez Black c'est cette difficulté pour moi de pouvoir siffler l'air d'une chanson après même 4 écoutes consécutives, cette constante impression de m'être fait embarquer dans un grand n'importe quoi. Mais au bout d'un moment, là où le charme opère, c'est que les mélodies restent finalement en tête, pour longtemps. En fait, j'aime être surpris et je vis dans ce paradoxe de m'attendre à être surpris avec lui. Les albums qui m'ont le plus déçu chez lui, que je trouve les plus faibles auront été les plus prévisibles de mon point de vue.

Pour ce "Nonstoperotik" la première impression est que l'on entend quelque chose de complètement différent du précédent album. Les dernières propositions de Black Francis avaient tendance à flirter joliment avec un rock basique, efficace, rageur et contrôlé ; tout ça dans une vraie "cohérence" au niveau des harmonies, des thèmes, du chant, de la production. Le nouvel album renverse toute cette logique puisqu'il sonne comme un "patchwork" étrange de chansons aux ambiances très différentes. On est balancé entre des morceaux rentre-dedans bien rock, des morceaux carrément aériens et d'autres entre les deux... un cuivre par ici, un synthé par là, un piano encore. Une voix nasillarde sur chant moyen qui suit une voix rentrée sur chant maitrisé. Cela donne un aspect mutant à l'album, comme si Black avait rassemblé un tas de peaux mortes sur une montagne mystérieuse pour créer un monstre aussi attirant qu'il est inquiétant. Cet album ressemble à un bootleg de Frank Black plus qu'à un nouvel album de Black Francis car certains morceaux se rapprochent vraiment de ce qu'il faisait au début des années 90.


Pour ce qui est du manque de cohérence certains y verront une faiblesse, un effet "fond de tiroir", moi je vois ça comme justement un projet assumé de ne pas donner de fil directeur (enfin, si, il y en a  un  :  il traite de la sensualité d'où le titre de l'album). C'est cette part de je m'en foutisme en surface que j'apprécie chez  ce gars gras génial. La seule chose qui me fait peur à l'écoute d'un album c'est la répétition et l'ennui. Encore une fois je me réjouis d'être totalement circonspect face à pareille galette, seul l'avenir dira à mes oreilles s'il rentrera dans mes chouchous ou dans les "bof-bof". A coup sûr j'ai été surpris... et donc c'est là le plus important même si j'ai quand-même la lucidité nécessaire pour dire que cette livraison n'est pas sa plus aboutie. Le seul vrai bémol objectif dans tout ça est la production un peu pauvre de l'album, un peu "sèche" voire obsolète.

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