lundi 26 avril 2010

Luis Francesco Arena - "Chess in the abyss"



"Chess in the abyss" est le troisième effort de Luis Francesco Arena qui, derrière ce pseudo hispanisant, est un gars bien de chez nous car il répond au prénom de Pierre-Louis même s'il chante en anglais. Mon premier contact musical avec ce monsieur s'est fait il y a quelques années dans la bonne vieille salle du "Confort Moderne" de Poitiers en première partie du concert de Syd Matters auquel j'avais assisté avec un ami. Un set, si je me souviens, d'une sobriété et justesse qui m'avaient tapé dans l'oreille, le bonhomme étant accompagné de sa guitare folk et d'un comparse au violoncelle. C'était de la folk incarnée, aux mélodies tire-bouchonnées avec cette voix perçante. J'avais écrit, dans mon cerveau qui me sert de carnet, de suivre le "folkeux".

Quelques années plus tard, me revoici en connexion avec l'artiste pour la sortie de ce nouvel album. Les précédents correspondaient à ce que j'avais vu en concert avec de vrais petits bijoux qui côtoyaient des titres que les méchants appelleraient "de remplissage". Mais la verve, la sensibilité/subtilité était déjà là, il va de soi. "Chess in the abyss" offre douze pièces d'une "fort belle tenue", tout en cohérence. Déjà - ce que les observateurs avisés de la discographie de ce faux espagnol auront remarqué - on apprécie l'arrivée de percussions qui ne viennent jamais dénaturer pourtant la finesse et légèreté majoritairement acoustique des compositions ; en effet, loin d'alourdir le "propos" musical elles sont là pour trancher un peu cette émotion, y apporter une ponctuation "éclaircissante" et rendre aussi grâce aux virages astucieux des mélodies. Chez Luis Francesco Arena, en effet, les airs fonctionnent comme un jeu de portes. On se laisse embarquer sur un air jusqu'à ce qu'un accord viennent perturber le cours des choses et nous ouvrir quelques petites possibilités réjouissantes. L'ennui qui peut parfois envahir les esgourdes d'un auditeur distrait de folk ne pointe jamais son nez. A côté des percussions apparaissent aussi de nouveaux instruments (à côté du chéri violoncelle) comme le piano ou les cuivres (sur le très beau "Blue-nile slumber" par exemple), pour encore donner un peu plus de contour expressif aux chansons. 


L'album, comme pris dans une légèreté aérienne, fait loi des instants "entre deux". Sitôt l'on se prend à penser que telle chanson verse dans le mélancolique ("Walk and reveal"), la noirceur se drape immédiatement de teintes lumineuses, brillantes. L'effet inverse peut se produire lorque que sur une entrée en fanfare, ("Black lemonade") les éclats arrivent joliment à se tamiser... Mais toujours en grâce et avec cette grande légèreté, jamais Luis Francesco Arena n'utilise les artifices et artillerie lourde du sentimentalisme, comprenant sans doute que la musique est moment qui passe, pas une leçon de choses. En même temps, cet album incrusté de vrais morceaux, fait penser à beaucoup de choses, à des choses qui restent collées parfois à notre fonds musical personnel (on pense à Tim Buckley sur certains morceaux) mais sans jamais tomber dans une forme de plagiat non assumé, d'essai raté de s'inscrire dans un mouvement. Il y a parfois de vrais moments de rêveries, ce que d'aucuns appelleront parfois psychédéliques ou pas, tels "The whale's womb" ou "Into the rain" et d'autres moments plus terrestres, plus nerveux (mais encore en légèreté... j'insiste !) comme ceux offerts par le magnifique "Red-handed".


"Chess in the abyss" est un album à poser sur les oreilles de ce que la grandiloquence appelle "âme en nous", cette chose insondable qui commande des ressentis irréels mais vrais.

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