mardi 20 avril 2010

Le monde est à côté de toi

 Beg ar Van (France, Finistère, juillet 2009) (c) p.o.v. 

Le monde était à côté de moi, je prenais le temps de le regarder se reposer pour lui faire plaisir, il saurait peut-être me le rendre au centuple de la seule monnaie de son intriguant caractère sauvage. Comme à tous, on m'avait enseigné qu'il n'avait pas d'âge, comme tous je ne savais pas vraiment comment il était né. Peu importe. Tout juste je n'ignorais pas qu'il était là avant tout, avant moi, et qu'il serait là après tout, après moi. A contempler là-bas, planté sur la roche, tous les éléments d'un regard ralenti par cette envie de respirer profondément ce paysage, je me disais que ce portrait immuable d'eau, de pierre, de ciel, de feu herbeux, me remettait à ma place, celle d'un homme privilégié. Au-dessus des lignes cassées, des trous d'eau, ce tableau de Miro en trois dimensions, me renvoyait à quelque chose de rassurant, à cette immobilité apaisée que des siècles de vent et de pluie n'avaient pas réussi à pervertir. Ces boules de pierre chiffonnée, cette mer chatouillée par quelques rochers, rendaient plus grande et supportable ma condition d'être humain, je me sentais à la fois si petit et si grand, si dominateur et si soumis. Ce paysage ridé de sa propre mémoire me faisait m'oublier un peu, me délestant imperceptiblement de mes angoisses, entre deux battements de cil. J'étais terrien, aérien, aquatique. J'étais ici et ailleurs. J'étais perdu et chez moi, car le monde que je ne connaissais pas était à côté de moi.

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