lundi 19 avril 2010

Les fins de jour glorieux

Plage bretonne (juillet 2009) (c) p.o.v.

De la mer l'épiderme semblait traversée par de chatoyantes créatures faites de soleil. Gentiment, lentement, sûrement.  C'était un indice visuel que la vie n'était qu'une explosion au ralenti ; et, dans tout ce chaos de particules suspendues qui venaient à nous pour percer le regard, il fallait savoir se gonfler d'énergie. Avaler le soir et le ciel avec, en plissant les yeux, en silhouettant les formes. Là était arrivé le moment d'architecturer la mémoire, de donner au paysage des parfums qui flotteraient dans l'espace de nos réconforts futurs, nous le savions. Sur le mille-feuilles de cette mer s'éparpillaient de glorieux reflets, transports subtils d'un soleil devenu millions. Les eaux messagères nous livraient ce qu'il restait du souffle de la lumière qui s'allongeait, prise dans sa fatigue de fin du jour. Des tapotements astraux concentrés, qui dansaient sur le dos des vagues, cognaient à la porte de cette sérénité qui nous envahissait peu à peu. Regarder s'endormir ce qui constituait tout le spectacle de la nature c'était bien faire son travail d'émerveillement simple pour les observateurs que nous étions. Pesants, nos pieds modelaient dans le sable humide toutes nos envies de nous assoupir à notre tour. Nous voulions profiter de cette berceuse piquée du scintillement des vagues mais adoucie par la vibration des éléments discrets. Le vent léger amplifiait subtilement les petits riens : les grincements incongrus des branches d'arbre, les frottements intimes de deux grains de sable, les mélodies inversées du flux-reflux de la mer. Si seulement nous avions pu plisser les oreilles pour avaler le soir et la brise, silhouetter les sons, nous l'aurions fait aussi. Nous aurions une fois de plus architecturé la mémoire pour donner aux paysages des sons qui voyageraient dans l'espace de nos réconforts futurs, comme un poing qui s'ouvre. Puis le paysage s'endormit profondément. Les ombres le léchaient jusqu'à l'effacer. A peine avions nous eu le temps de l'accompagner dans son sommeil qu'il fallait déjà fuir le songe, la suspension, les reflets, les vibrations. Saurions-nous seulement un jour si nous avions fait notre travail d'observateur, de chercheur du sublime ?

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